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  • Photo du rédacteurMarianne Ducret

Noël et l'approche systémique



Ha, les fêtes de fin d’année… Les vacances en famille, la joie de se retrouver pour partager la magie de Noël, des moments ensemble et de la nourriture noble… et tâcher de faire abstraction des petites frustrations qui s’accumulent au fil des jours, nourries par le fabuleux combo fatigue de décembre + logistique de Noël + bruit continu + hébergement sommaire...


Tout ça aboutit généralement à des accrochages intempestifs au milieu du repas, qui peuvent vite monter en sauce quand chacun réagit et interprète à sa façon. Marrant comme on peut voir les choses différemment alors qu’on a reçu la même éducation.





On ne vit généralement plus ces temps en famille de la même façon quand on a mis un pied dans le développement personnel, notamment après avoir découvert l’approche systémique.


Il y a cette tendance croissante à alterner des moments où on est dans le groupe et des moments où on se met en retrait, à la fois pour se préserver et par envie d’observer ce qui se joue : qu’est-ce qui fait que parfois, ça prend et on a droit à de vrais moments de grâce ? Et un instant plus tard, ça dérape et tout le monde s’écharpe ?


Le côté fédérateur du modèle systémique, c’est qu’il ne recherche pas qui a tort et qui a raison dans l’histoire. Il ne veut pas trouver des coupables, mais des solutions. En s’intéressant principalement aux interactions entre les différents acteurs, souvent le cœur du problème.


Du fait qu’il ne stigmatise personne, il favorise la coopération et se révèle très efficace pour traiter les problématiques relationnelles délicates, en milieu professionnel où les susceptibilités sont souvent à fleur de peau, comme dans les couples et les familles où les enjeux affectifs sont forts.


A quoi ressemble notre réveillon en famille regardé au travers de la loupe systémique ?


 

1.       Quel est le problème ?


Vous avez l’image en tête du repas où le ton monte, plusieurs personnes parlent en même temps, pendant que les autres convives restent dans un silence sidéré / désolé / résigné / indifférent / amusé / … ?


Imaginons qu’on leur propose une pause, pour faire un tour de table et demander à chacun de résumer le problème à l’instant t, il y a de fortes chances pour qu’on ait des réponses variées.


Car une situation est rarement problématique en elle-même, c’est l’interprétation qu’on en fait qui crée le problème. Et cette interprétation est éminemment subjective.


  • Donc le père râle que ses enfants n’aient pas aidé davantage à organiser le réveillon.

  • La fille trouve que son père est injuste car c’est un effort suffisant d’avoir fait le déplacement, avec le prix de l’essence, les bouchons sur l’autoroute et les enfants malades.

  • Le fils reproche à sa sœur de ne pas avoir prévenu que ses enfants étaient malades.

  • Le gendre indique qu’il n’apprécie pas le ton utilisé par son beau-frère.

  • La belle-fille dit qu’il n’y a pas de problème, pour éviter les ennuis.

  • La mère se lamente que la famille est incapable de profiter d’être réunie alors qu’elle s’est donné tant de mal pour que tout se passe bien.

  • Les petits-enfants trouvent que le repas est trop long et veulent le dessert.


Difficile de faire de la résolution de problème quand on n’est pas d’accord sur le problème.


Mais c’est assez classique : il n’y a pas de sujet de discorde unique; il y a un sujet de désaccord initial, qui suscite des réactions, qui font émerger de nouveaux sujets de désaccord, sur lesquels rebondissent les autres, etc… C’est de l’intelligence collective en mode création de problèmes. On ne traite jamais la plainte de l’autre, on la recouvre juste avec la sienne.


Et le problème se situe là : dans cette boucle d’interactions non constructives, que chacun contribue à alimenter.


Alors généralement, le groupe parvient à juguler l’escalade, finit par trouver un terrain d’entente et passe à autre chose. Il n’y a pas vraiment de problème, la régulation se fait d’elle-même.


Il y a un problème s’il y a de la souffrance. Donc s’il y a un client.


 

2.       Qui est le client ?


Le client systémique se définit comme étant celui qui souffre le plus de la situation, et qui souhaite que les choses changent.


Ici, qui souffre du manque d’harmonie familiale ?


Peut-être un peu tout le monde, mais ce n’est pas certain. Et pour autant, souhaitent-ils changer les choses ? Pas forcément. C’est fatiguant de changer. Ok, pas de client alors. Donc pas de problème.


Ha si ! La mère souffre de la situation et voudrait que ça change. Elle qui s’est donné tant de mal pour que tout se passe bien.


Ça c’est intéressant. Qu’a-t-elle fait pour que tout se passe bien ?


 

3.       Que fait le client pour entretenir le problème ?


La mère prépare ce repas de réveillon depuis des semaines. Elle a interrogé chacun sur ses préférences culinaires, s’est renseignée sur les meilleurs endroits pour commander au meilleur moment les meilleurs produits, a comparé pour trouver le plus beau sapin et les plus jolies décorations pour plaire aux petits-enfants, après avoir demandé à chacun quelle était sa couleur préférée, ses animaux préférés, s’ils préféraient les guirlandes ou les boules. Sans parler des cadeaux ! Elle a interrogé chacun sur ses envies, en devant souvent les relancer car elle n’avait pas de réponse. Ensuite elle a fait des kilomètres pour trouver les cadeaux demandés. Epuisant, tout ça ! Elle espérait bien que tout le monde se rendrait compte de ses efforts. Et elle partageait sa fatigue avec son mari, jour après jour. Puis repartait à la tâche pour parfaire sa préparation. Jusqu’au jour tant attendu de l’arrivée de tout le monde…


  • L’objectif est assez clair : organiser les choses au mieux pour que tout le monde soit content.


  • La stratégie adoptée pour atteindre l’objectif ? Chercher la perfection, consulter (harceler ?) plusieurs fois tout le monde, faire monter son niveau d’attentes, partager son stress avec les autres, s’épuiser avant les fêtes,…


  • Avec quels résultats ? Tout le monde arrive irrité en vacances après ces messages incessants sur des détails futiles, la mère se dit qu’elle a tout donné et qu’elle va enfin pouvoir profiter de l’harmonie familiale et de la gratitude infinie de ses enfants, le père est frustré d’avoir enduré le stress et les plaintes de sa femme depuis des semaines et va faire le 1er commentaire qui va embraser le repas…


C’est sans doute le recadrage le plus intéressant de l’approche systémique : percevoir que ce que nous faisons pour éviter ou résoudre un problème peut contribuer au contraire à le générer ou à l’entretenir.


Et c’est bien pour cela que le problème subsiste. La stratégie que nous avons adoptée dessert notre objectif. Elle est contre-productive, mais nous n’en avons pas conscience, donc nous nous acharnons à faire « un peu plus de la même chose », en espérant des résultats différents.


Cette prise de conscience est le 1er pas vers le changement, et l’avantage est qu’il suffit qu’un élément du système évolue pour faire évoluer le système entier.


En effet, le problème étant entretenu par les interactions entre les personnes, il suffit d’un client prêt à changer son comportement pour voir les relations s’améliorer au sein d’une famille, d’un couple, d’une équipe. C’est la bonne nouvelle.


Ici, notre mère de famille aurait peut-être intérêt à tenter cette expérience si paradoxale : savoir renoncer à son objectif pour pouvoir l’atteindre…

 


 

PS : Les personnages sont évidemment fictifs, mais peut-être un chouilla inspirés de personnes réelles.

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