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  • Photo du rédacteurMarianne Ducret

« Ils m’ont promu manager, les enfoirés ! »

Les clients arrivent en coaching avec des demandes parfois surprenantes. L’un d’eux m’a présenté ainsi le contexte : « Trois ans de suite que je dépasse mes objectifs, qu’on salue mon travail, et là, je me prends un coup de poignard dans le dos : ils m’ont promu manager, les enfoirés ! Vous devez m’aider à me sortir de ce guêpier ».





Autant dire que cela valide l’idée que tout le monde n’a pas les mêmes besoins de reconnaissance, et que ce qui semble être une récompense pour l’un est perçu comme une punition pour l’autre.

On a tendance à manager comme on aimerait être managé, ce qui induit des biais automatiques (souvent inconscients) dans notre communication et nos décisions vis-à-vis des collaborateurs. Et cela peut conduire à des situations ubuesques où un manager investit du temps et de l’argent dans l’intention de valoriser un de ses collaborateurs et produit l’effet inverse. C’est ballot, non ?


D’autant que c’est assez facilement évitable. Il suffit de passer du temps avec chacun, d’identifier ce qui est important pour lui, oui lui demander tout simplement quel mode de reconnaissance aura pour lui le plus d’impact :

  • une augmentation ?

  • des nouvelles responsabilités ?

  • des remerciements ?

  • un déjeuner ensemble de temps en temps ?

  • Un sourire et un bonjour tous les matins ?

Les profils de personnalité sont très utiles pour identifier les préférences de chacun en la matière.


Le deuxième sujet soulevé par cette demande de coaching concerne l’habitude persistante en entreprise de voir le management comme la voie royale pour promouvoir quelqu’un, sans

accompagner forcément ce changement de fonction.


Certes, une partie du travail de manager consiste généralement à superviser une activité et transmettre un savoir-faire, et sur ce point, cela aide de maîtriser les compétences métier.

Mais il y a aussi un ensemble de compétences transverses (communication, animation, incarnation des règles et de la culture d’entreprise, accompagnement) qui sont souvent bien différentes du métier initial et qu’on suppose encore aujourd’hui intuitives.


On se dit qu’un bon expert saura être un bon manager. Tout naturellement. C’est comme si je disais à mon artisan : « vous avez fait un super boulot avec ce plan de travail dans la cuisine ! Vous pourriez garder mes enfants, du coup ? »


C’est-à-dire que je suppose :

  1. Qu’il dispose de compétences humaines puisqu’il a démontré des compétences techniques.

  2. Qu’il sera très certainement enthousiasmé par cette marque de reconnaissance inestimable à mes yeux.

Alors qu’en fait, surprise, c’est rarement le cas. Les experts apprécient généralement la possibilité de travailler seuls, ou en réseau, mais sans trop dépendre des autres. Et ceux que je connais sont horrifiés par la perspective d’être responsables du travail des autres et de devoir gérer leurs problèmes du quotidien. Parce que cela les ennuie, mais aussi parce que cela les éloigne de leur métier de base, de leur « vrai travail », celui qui est valorisé.


Car soyons clairs : le management peut être présenté comme le graal, il n’en reste pas moins que :

  • Les formations au management sont loin d’être systématiques

  • Les objectifs annuels portent encore trop rarement sur les compétences de management

  • Les RH restent souvent frileuses pour traiter les plaintes des équipes quant à leur manager

Bref, l’entreprise ne donne pas suffisamment les moyens à ses managers d’avoir une posture saine et professionnelle, ce qui est un énorme manque à gagner quand on pense à l’influence du manager sur la performance et la cohésion de son équipe.

Projeter des personnes dans une fonction de management sans les accompagner, c’est favoriser les complexes d’imposteur, les comportements de défense, souvent trop rigides ou au contraire trop laxistes. C’est favoriser des levées de bouclier contre le manager débutant, ou risquer de plomber une équipe, avec les situations fréquentes de mal-être qui s’ensuivent.

Quand on pense aux petites choses qui peuvent faciliter la prise de fonction d’un manager (une consultation préalable, une bonne communication auprès de l’équipe, une formation manager), on s’étonne que la plupart des entreprises continuent de sous-estimer

l’importance de cette conduite du changement élémentaire et mettent encore souvent des

personnes et des équipes entières en situation d’échec.


Dans le cas de mon client devenu manager « à l’insu de son plein gré », il s’est avéré qu’il n’était pas si fermé que ça à l’idée d’être manager. Il n’avait pas apprécié d’être promu sans être consulté, et au travers de cela, on ne lui avait donné aucune opportunité d’émettre des doutes sur ses compétences pour le job. Il se trouvait parachuté sans moyen de dire qu’il ne savait pas comment ouvrir le parachute.

Sa vraie demande était en fait d’être accompagné dans sa prise de fonction, pour avoir une idée plus précise de ce qui était attendu de lui et pour monter en compétence sur les aspects qu’il ne maitrisait pas.


Après un travail de démystification du concept de « bon manager », un profil de personnalité pour identifier son mode de fonctionnement et faire des hypothèses sur celui de ses collaborateurs, il a défini par lui-même comment fonctionner de façon optimale avec chacun et s’est finalement découvert de réelles affinités avec le management.

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